Exposition virtuelle
Collection Norton de verrerie antique
Composée exclusivement d’artefacts de la collection Norton de verrerie antique appartenant au Musée des beaux-arts de Montréal, la présente exposition est une première au Musée Beaulne de par la qualité et la valeur des pièces. Il est important de noter que ces artefacts ont été en grande partie longtemps conservés ici au Château Norton avant d’être dispersés dans le pays. Hormis la mise en évidence de l’œuvre de collectionnement de Harry Norton, l’exposition permet de comprendre le contexte de production des pièces exposées, leur circulation et leurs usages dans l’Antiquité.
Nous remercions vivement le Musée des beaux-arts de Montréal d’avoir consenti ce prêt, le ministère de la Culture et des Communications, la Ville de Coaticook, la Fondation Les Amis du Musée Beaulne, la Caisse Desjardins des Verts-Sommets de l’Estrie, le Groupe Cabico Inc., Raymond Chabot Grant Thornton, Mme Johanne Provencher, M. Gerald Cutting, M. Roch Létourneau ainsi que tous les autres partenaires qui ont soutenu ce projet.
Harry Norton, le collectionneur
Harry Arunah Norton est né à Coaticook en 1872. Il est le fils d’Arthur Osmore Norton, un entrepreneur et homme d’affaires qui fabriquait des crics pour l’industrie ferroviaire dans ses usines de Coaticook et de Boston.
La majorité des pièces semble avoir été acquise par l’intermédiaire d’antiquaires, notamment Azeez Khayat (1875-1943), un marchand d’antiquités autodidacte d’origine libanaise qui possédait une galerie d’art à New York.
Au début du siècle, Khayat retournait régulièrement chez lui, au Liban, qui faisait alors partie de l’Empire ottoman, pour s’approvisionner en objets d’art qu’il revendait sur le marché nord-américain. Comme l’exportation d’antiquités était interdite sous le régime ottoman, les fouilles effectuées par Khayat étaient réalisées de manière clandestine.
Une partie au moins des pièces de la collection Norton furent conservées dans sa propriété de Coaticook, et exposée dans de grandes vitrines, comme en témoignent les photos prises par G. Nakash en 1942.
Les premiers dons de Norton au MBAM remonteraient aux années 1920. À sa mort, la collection fut divisée, une partie étant attribuée au MBAM et l’autre au Royal Ontario Museum de Toronto. Le reste fut dispersé au cours des années suivantes sur le marché des antiquités.

Harry Norton (1872-1948)
Musée Beaulne

Étagère avec plusieurs artefacts de la collection Norton
Château Norton (Musée Beaulne)
Histoire, matières et techniques
Les plus anciens objets en verre datent d’environ 2 500 av. J.-C. et proviennent de Mésopotamie et d’Égypte. Le verre est un des premiers matériaux de synthèse. Il est composé essentiellement de sable et de soude. Le sable, ou silice, est l'agent vitrifiant. La silice est une des substances les plus répandues sur la Terre. On la trouve sous forme de sable plus ou moins pur, de quartz ou de silex que l’on broie. Elle fond à très haute température (1 710 degrés Celsius) et se transforme en verre en refroidissant.
Le verre brut était fabriqué dans quelques centres spécialisés, les ateliers primaires, d’où il était ensuite exporté. Les fouilles archéologiques ont permis de découvrir les ateliers primaires les plus anciens en Égypte et en Syrie-Palestine. Plus tard, au 1er siècle, des ateliers primaires furent aussi établis en Italie. Les ateliers primaires produisaient donc la matière brute qui était ensuite acheminée vers les ateliers secondaires situés dans tout l’espace méditerranéen.
Les techniques utilisées étaient le moulage, le moulage sur noyau, le verre rubané, le verre soufflé, le soufflage du verre à la volée, le soufflage dans un moule, etc. Des exemples:
Moulage sur noyau
Vers 1400 av. J.-C., les artisans verriers mirent au point la technique du verre moulé sur noyau d’argile. Cette technique permit de réaliser des récipients creux à petite ouverture sur un support, le noyau, constitué d’un mélange d’argile et de sable.
Le noyau était fixé au bout d’une tige de cuivre, de bois humide, d’argile ou de fer (à partir du Ier millénaire) et modelé selon la forme intérieure de l’objet à réaliser. Le noyau était ensuite recouvert de fils de verre chaud. Après refroidissement, on retirait le noyau friable en le grattant. La trace en est parfois visible à l’intérieur des récipients ainsi fabriqués. Cette technique restait toutefois assez contraignante et permettait de réaliser essentiellement des vases étroits et d’assez petite taille.
Avec le temps, les artisans verriers développèrent d’autres techniques faisant appel au moulage et au tour qui leur permirent de façonner des vases monochromes ou polychromes.

1953. Dg.11. Unguentarium
Musée des beaux-arts de Montréal
Bassin méditerranéen, IIIe IIe s. av. J.-C.
Verre sur noyau, décor au peigne
Photo MBAM
Verre rubané
Au IIe siècle av. J.-C. jusqu’au milieu du 1er siècle apr. J.-C., on voit apparaître des récipients en verre rubané.
Le principe impliquait de réaliser des plaquettes préfabriquées en soudant parallèlement de longs rubans de verre multicolores. Pour les façonner, le verrier passait directement un noyau chauffé et fixé à une tige métallique sur les plaquettes multicolores disposées dans le sens de la longueur.

1953.Dg.25. Fragment
Musée des beaux-arts de Montréal
Méditerranée orientale, IIe s. av. J.-C. milieu du Ier s. apr. J.-C.
Verre rubané
Photo MBAM
Soufflage du verre à la volée
Les récipients de verre ont tout d’abord été soufflés selon la technique du soufflage à l’air libre dite « à la volée ». Cette technique est encore pratiquée de nos jours par les souffleurs de verre. Le souffleur de verre recueillait la paraison, une boule de verre en fusion au bout d'une canne métallique creuse, la canne à souffler. Il roulait la masse de verre sur une surface plane, le marbre, pour lui donner une forme cylindrique et régulière. Il soufflait ensuite dans la canne pour former une bulle d’air dans la masse. Il balançait la canne jusqu’à décrire un cercle complet pour créer une forme allongée. Il soufflait à nouveau pour donner au vase sa taille définitive. Au moyen de pinces, il aplatissait le fond de l'objet. Il utilisait un pontil, une tige métallique, au bout de laquelle il fixait une petite masse de verre. Il reprenait l’objet par le fond à l'aide de cet outil. Il pouvait ainsi travailler le col et l’embouchure de l'objet au moyen de pinces. Pour ajouter le décor, il pouvait poser à chaud un fil de verre en dessinant une spirale et des zigzags. Il finissait l'objet en ajoutant les anses. C’est ainsi que différents motifs pouvaient être réalisés: fils dentelés, motifs végétaux, ovales. La surface de l’objet pouvait également être retravaillée en créant des dépressions à l’outil.

1953.Dg.48. Flacon
Musée des beaux-arts de Montréal
Méditerranée orientale, Ier s. apr. J.-C.
Verre soufflé, marbré
Photo MBAM
Usages du verre dans l'antiquité
Les principaux usages du verre dans l’Antiquité sont : la parure, la parfumerie et le cosmétique, la boisson et la nourriture, la conservation, les pratiques funéraires, etc. Quelques exemples :Parures
Les Anciens ont d’abord utilisé le verre pour se parer. Les plus anciens objets fabriqués en verre sont des perles. Au fil des siècles, ils ajouteront aussi les pendentifs, les boucles d’oreilles, les bracelets, les bagues, les intailles et les décorations militaires. Si les bijoux en verre du IIe millénaire av. J.-C. représentaient encore des objets de grands prix, en revanche, ceux de l’époque romaine possédaient une valeur bien moindre que les bijoux en or ou en argent.

1929.Ea.9. Collier
Musée des beaux-arts de Montréal
Égypte, vers 1550 1292 av. J.-C.
Perles de faïence bleue, de verre et de métal doré
Photo MBAM

1953.Dg.179. Collier
Musée des beaux-arts de Montréal
Empire romain, Ier s. av. J.-C. Ier s. apr. J.-C.
Perles de verre, de verre doré et de laiton doré (?)
Photo MBAM
Parfumerie et cosmétique
En raison de ses qualités – il est non poreux, présente un aspect lisse et brillant et il peut être coloré – le verre a été utilisé dès une époque très ancienne pour confectionner des objets de toilette renfermant des parfums, des onguents, des cosmétiques et des baumes médicinaux. À partir de l’époque de l’empereur romain Auguste (r. 27 av. J.-C. —14 apr. J.-C.), le verre remplace d’ailleurs de plus en plus les contenants de céramique pour la parfumerie.
Dans l’Antiquité, les hommes et les femmes se parfumaient le corps et les cheveux. Les parfums se présentaient sous forme de pâtes solides ou, plus souvent, de liquides parfumés. On mélangeait de la graisse animale, de l’huile (d’olive, de ricin, de lin, d’amandes, etc.), ou encore de l’eau, avec des substances aromatiques venant parfois de fort loin. Les parfums antiques qui sentaient la rose, le lis, l’iris, la cannelle (très chère), le laurier, la marjolaine, la myrrhe, le cèdre, l’encens étaient obtenus par macération à froid ou par extraction à chaud des matières aromatiques. Le procédé de la distillation utilisé aujourd’hui était en effet inconnu des Anciens; on ne le découvrit qu’au IXe siècle apr. J.-C.
À côté des parfums, il y avait aussi toutes les pommades, masques de beauté, fonds de teint, fards à yeux et autres rouges à lèvres, ou dentifrices. Toutes ces préparations étaient contenues dans des récipients de matière variée – coquillage, céramique, boîte en os, mais aussi boîtes et petits pots en verre. Il existait aussi des bâtonnets de verre torsadés de couleur variée, qui devaient servir à mélanger les préparations ou à les appliquer sur la peau.

1953.Dg.80. Unguentarium
Musée des beaux-arts de Montréal
Empire romain, Ier IIe s. apr. J.-C.
Verre soufflé
Photo MBAM

1953.Dg.166. Unguentarium
Musée des beaux-arts de Montréal
Empire romain, Ier s. apr. J.-C.
Verre soufflé
Photo MBAM
Boisson et nourriture
Par sa texture lisse et non poreuse, le verre est bien adapté à l’usage de la table et, lorsqu’il est transparent, il met en valeur les aliments et les boissons qu’il contient. Dès le VIIIe siècle av. J.-C., on a bu lors de grandes occasions dans des coupes transparentes. Si la vaisselle en verre moulé resta un produit de luxe, elle devint tout de même d’un usage plus courant dans la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C. En revanche, la vaisselle en verre soufflé a été employée quotidiennement pour le service de la table et pour la cuisine à l’époque romaine. Les objets les plus courants — vases à boire et à verser aux formes très variées, coupes et assiettes — voisinaient des objets un peu plus rares, tels les entonnoirs, les siphons ou les cuillères.

1953.Dg.84. Bol
Musée des beaux-arts de Montréal
Empire romain, fin Ier début IIIe s. apr. J.-C.
Verre soufflé
Photo MBAM

1953.Dg.108. Verre à pied
Musée des beaux-arts de Montréal
Empire romain, IVe VIIe s. apr. J.-C.
Verre soufflé
Photo MBAM
Conservation
Le verre, étanche et inaltérable, est le matériau idéal pour le stockage et le transport des conserves et des liquides. On y plaçait l’huile, le vin et le « garum », mais aussi les conserves au sel, au vinaigre, à la moutarde. Sa malléabilité permet en outre la réalisation de formes infinies. Son seul inconvénient demeure sa fragilité.
Dans l’Antiquité, le verre a été utilisé pour fabriquer toute une diversité de pots à panse sphérique ou ovoïde, avec ou sans anses, qui servaient à contenir, transporter et sauvegarder des denrées liquides ou solides. Ces contenants pouvaient avoir des capacités très variables. À l’époque de l’Empire romain, les pots à panse globulaire et à large ouverture, faits dans un verre ordinaire verdâtre ou bleuâtre étaient plutôt réservés au stockage. Les bouteilles à parois épaisses et panse prismatique, carrée ou rectangulaire, par exemple, soufflées dans un moule avaient une forme qui leur permettait de gagner de la place. Elles servaient donc plutôt au transport. Les bouteilles pouvaient être fermées par un bouchon de liège, de toile ou par un opercule d’argile. Lorsqu’ils étaient chargés sur les bateaux pour être transportés, les verres étaient parfois empilés et séparés par une couche végétale. Ils pouvaient être protégés par un emballage de vannerie individuel, par exemple un fourreau d’osier tressé, ou bien placés dans des caisses en bois ou des paniers et calés avec de la paille ou du tissu. En plus de protéger le verre, le fourreau d’osier contribuait à la conservation des denrées contenues dans les verres.
Par ailleurs, les Anciens faisaient ce que nous faisons parfois avec les pots en verres (par exemple, les pots Mason) aujourd’hui, en réutilisant les emballages de produits commercialisés.

1953.Dg.138. Bouteille
Musée des beaux-arts de Montréal
Proche-Orient ou Égypte, IIe IVe s. apr. J.-C.
Verre soufflé
Photo MBAM

1953.Dg.119. Pot
Musée des beaux-arts de Montréal
Syrie, IVe Ve s. apr. J.-C.
Verre soufflé
Photo MBAM